Tel le chevalier Bayard son ancêtre, Claude Terrail (1917-2006) a mené son équipe de polo «les Maillets d’Argent» avec la même fougue et la même passion que La Tour d’Argent, ce monument de la gastronomie française. Le polo était pour lui depuis plus de 25 ans un art de vivre auquel il n’était pas près de renoncer.*
CLAUDE TERRAIL* :
« Je dirais que le polo représente avant tout un Art de Vivre. Le polo c’est en effet une manière de vivre intensément à pleine vitesse, dans la gaieté, la franche amitié.
Le polo est une occasion de se dépasser.
Le polo est un tout ; c’est bien sûr le match lui-même avec ce qu’il a d’enivrant et qui s’apparente totalement aux tournois du moyen-âge lorsque les chevaliers joutaient pour la plus grande gloire de leurs belles, mais c‘est aussi l’avant polo avec l’excitation de la préparation de l’équipe, du choix des joueurs, de celui des chevaux, de l’entraînement et c’est enfin l’après polo avec la tradition du « collectivo » qui consiste à remplir la coupe avec le champagne et de la faire passer de mains en mains, de bouche en bouche parmi des hurlements de sauvage gaieté.
Il est vrai que le polo a évolué ces dernières années et que les joueurs de la jeune génération sont avant tout des sportifs de haut niveau avant d’être les joyeux lurons que nous étions.
Il y a une vingtaine d’années, le polo était encore une excuse pour se livrer aux plus grandes excentricités que permet la jeunesse ; il nous arrivait de décider, à la sortie de quelques boîtes de nuit au bras de ravissantes, d’improviser un match à la lumière des phares des voitures disposées autour du terrain ; nous étions tous en smoking et les deux équipes ne se distinguaient que parce que l’une portait le nœud papillon derrière le col et l’autre devant.
Mes souvenirs de cette grande époque sont innombrables. Laissez-moi vous raconter encore la grande fête à Bagatelle du 1er juillet 1961... Les rosiers étaient en fleurs éclairés par de petits projecteurs, ils entouraient un gros bouquet d’arbres au pied duquel se trouvaient les chevaux immobiles habillés de couvertures aux couleurs de chaque équipe.
Les responsables des poneys avaient revêtu en cette occasion maillots et casques aux couleurs correspondantes : d’une main, ils tenaient les rênes et de l’autre, le maillet. Les capitaines et leurs équipes organisaient la soirée. C’était Porfirio Rubirosa et son équipe « Cibao la Pampa », Elie de Rothschild et son équipe « Laversine », Guy du Bourg de Bozas et son équipe « Les Léopards », Didier Fouret et son équipe « Les Panthères » et bien d’autres encore dont la mienne bien sûr, « Les Maillets d’Argent », parmi laquelle se trouvaient mes grands amis Arnaud de Montbrison, André Ricard et Jacques Macaire, le meilleur joueur de polo français.
Après l’immense « asado » servi par des gauchos argentins en costume traditionnel qui découpaient les moutons avec leurs immenses coutelas, vers cinq heures du matin, l’euphorie était à son comble et les joueurs proposèrent d’improviser pour les invités un match de polo sur la pelouse. Imaginez tous ces joueurs en habit de soirée, casqués comme il se pouvait, lancés à la poursuite pêle-mêle de balles tombées du ciel comme des étoiles un peu par hasard. Quelle partie ce fut ! Quel spectacle insolite, invraisemblable et inoubliable devant un parterre de femmes les plus jolies et les plus élégantes de Paris.
Je souhaite à tous mes amis joueurs de polo la même fantaisie. »
* Propos recueillis au début des années 1990. Textes extraits du livre de Jean-Luc A. Chartier, "Polo de France" , avec son aimable autorisation.
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