Entretien avec Jérôme Anier
Propos recueillis par Axelle De Borger
Photos Jacky Macé
Un bon cheval de polo se définit en dix caractéristiques, résumées il y a quelques années par Lionel Macaire dans une Revue Annuelle du Polo de Paris :
une taille entre 1,55 m et 1,60 m
des épaules bien descendues et puissantes
une encolure forte à la base et s’affinant vers le haut
un garrot bien sorti
un dos parfaitement musclé
une arrière-main puissante bien dessous pour l’engagement, avec des muscles qui partent très haut sur le dos pour s’attacher en bas des cuisses
des aplombs sans aucune déviation bien en dessous et dans l’axe
des tendons, des fléchisseurs et suspenseurs secs et froids comme l’acier
une cage thoracique profonde et développée, gage de grande capacité pulmonaire
et enfin un caractère doux et sans stress.
Mais un bon cheval de polo, c’est aussi et surtout un bon dressage.
Et question dressage, Jérôme Anier s’y connaît. Joueur professionnel depuis 1993, Jérôme a dressé pas moins d’une centaine de chevaux de polo, en Sologne pour Pepito, à Lyon pour Philippe Perrier, en Californie avec Caroline Anier, et à Morsang. Jérôme enseigne également. Il est l’un des premiers à avoir obtenu le titre officiel d’« Entraîneur », reconnu par un Diplôme d'Etat (DEJEPS) et il est arbitre fédéral.
« Il faut avoir le bon feeling avec les chevaux » indique d’emblée Jérôme. C’est vrai que la profession lui reconnaît ce talent-là. Jérôme a eu toutes sortes de chevaux entre les mains. Des purs-sangs, des croisés avec des criollos, voire des mélangés avec des quarter horses aux Etats-Unis. « Maintenant c’est simple, dans les tournois de haut niveau, il n’y a plus que des purs-sangs » précise-t-il.
Pour réussir le dressage d’un cheval de polo, il faut du temps car un poulain mettra cinq ou six ans avant de pouvoir entamer pleinement sa carrière sur les terrains de polo.
Il faut de la patience aussi, et de la sensibilité pour débourrer et dresser un cheval. Ici, nous sommes loin du débourrage à l'ancienne, qui était une méthode rude de dressage. « Même les argentins commencent à changer de méthode. Produire de bons chevaux, avec une bonne saillie, coûte de l’argent. Ils préfèrent éviter la casse » souligne Jérôme.
Du temps et des étapes
Pour obtenir un bon cheval de polo, plusieurs étapes sont nécessaires. Pour commencer on ne laisse pas le poulain sauvage dans la nature. Le poulain doit voir l’homme, s’y habituer et le respecter.
Mais attention « si tu le chouchoutes un peu trop, il ne va plus te respecter et il va t’embêter pendant le dressage. Il faut qu’il comprenne que l’homme est le dominant » admet Jérôme.
Les chevaux sont débourrés vers l’âge de deux ans et demi. On les caresse sous le ventre pour les habituer au passage de la sangle, on met un doigt dans la bouche, puis un petit filet en caoutchouc, pour les familiariser avec le mors.
Vient ensuite la toute première fois où l’on monte le cheval. Toujours avec une émotion, et parfois aussi avec des ruades. Cela dit « un cheval en mouvement c’est toujours mieux qu’un cheval qui s’arrête et qui commence à regarder. Ça veut dire alors qu’il va faire une bêtise ou qu’il va paniquer ».
Les débourrer, leur laisser faire une pause de quelques semaines et les reprendre ensuite. Ne rien faire trop vite...
De la patience et de la méthode
Et ne jamais rester trop longtemps sur un jeune cheval. A ce stade, ce n’est pas l’endurance qu’on lui apprend, ni même à tenir les sept minutes.
Les séances de travail sont courtes. Mieux vaut faire deux séances de dix minutes dans la journée qu’une séance de vingt minutes. « Lorsque je selle un cheval et que je pars travailler avec lui, si au bout de dix minutes il a fait ce que je lui ai demandé, les changements de pieds, des voltes plus courtes, deux ou trois arrêts parfaits, cela suffit pour la journée » explique Jérôme. « Le lendemain j’essaierai de lui apprendre quelque chose de plus, s’arrêter, faire deux ou trois pas en arrière et se servir de son arrière-main pour redémarrer ».
Chaque cheval est différent. Savoir se mettre à la place du cheval est une qualité chez un dresseur. C'est important de connaître le mental du cheval. On évite ainsi de le braquer ou de le dégoûter en demandant trop ou trop vite.
Vient alors le moment de l’habituer au maillet, au bruit de la balle, au contact avec les autres chevaux, et petit à petit, de lui donner confiance et expérience en l’amenant dans des practices.
Bien gérer sa cavalerie
Avoir de bons chevaux de polo c’est aussi pouvoir gérer sa cavalerie dans la durée. Pendant la saison, il faut savoir arrêter et soigner un cheval dès qu’il a le moindre petit problème de tendon. Savoir sentir sa fatigue.
Une chose est sûre, il faut connaître ses chevaux, les écouter, écouter leur souffle, savoir aussi que certains en vieillissant ont besoin de plus d’attention ou de plus de temps après l’hiver, pour entrer dans la saison. Et ça, c’est vrai, c’est une question de feeling. On l’a ou on ne l’a pas.
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