Au commencement, il n’y avait aucune limite de temps. C’était bien avant les anglais. Lorsque ces derniers ont découvert le polo en Inde, ils se sont aperçus, en observant les villageois jouer entre eux, qu’au-delà de la dixième minute les accidents se multipliaient et les chevaux commençaient à tomber exténués. Alors en bons anglais, ils ont établi des règles et ont progressivement ramené le temps de jeu à 7 minutes 30 secondes par période.
Par Axelle De Borger
Photos Antoine Delaporte
Aujourd’hui les règles sont encore plus rigoureuses. Elles encadrent avec précision la possibilité dans un match de ‘doubler’ les meilleurs chevaux et faire jouer certains d’entre eux dans plusieurs périodes (voir Règle 4.l)*.
Les sept minutes trente de l’extrême
Quel que soit leur temps de jeu, 7 minutes 30 ou deux fois 4 minutes, les chevaux de polo fournissent un effort physique très intense sur de courtes périodes. Comme le ferait un sprinter par rapport à un marathonien. Que se passe-t-il dans leur organisme pendant ce laps de temps ?
Très peu d’études ont été menées sur ce sujet. Aurélie Targa, vétérinaire spécialisée dans le soin des chevaux, est l’une des rares à ce jour à s’être penchée sur la physiologie de l’effort chez le cheval de polo. Cet article reproduit une partie de ses travaux*.
Il faut savoir qu’en medium goal, la distance totale parcourue par le cheval varie entre 2,13 km et 5,19 km. Elle est en moyenne de 3,61 km par période. À la fin de la période de jeu, la fréquence cardiaque atteint en moyenne 125 battements par minute. Alors qu’elle est de 39 battements par minute au repos et de 84 battements par minute après échauffement.
En high goal, la distance totale parcourue par le cheval est plus importante. Elle varie entre 3,60 km et 5,88 km, avec une moyenne de 4,56 km par période.
La masse musculaire du cheval est de 55% du poids vif chez le pur-sang et de 45% pour les autres races de chevaux. La proportion de muscles engagés lors d’un exercice est beaucoup plus importante chez les quadrupèdes (70-80%) que chez les bipèdes (30-40%). Ces chiffres traduisent toute l’importance de l’organisation du système musculo-squelettique chez le cheval, athlète de haut niveau.
Lorsque l'exercice physique du cheval de polo augmente en intensité, il atteint un seuil nommé seuil anaérobie (correspondant à 4 millimoles par litre) à partir duquel le métabolisme aérobie ne suffit plus à couvrir les besoins nécessaires à l'activité musculaire.
Une partie de l'énergie nécessaire commence à être produite par le métabolisme anaérobie lactique et les lactates vont s'accumuler dans les muscles, entraînant une acidose qui va obliger le cheval de polo à ralentir puis à interrompre son exercice au bout d’un temps donné.
Lors d’un match de polo, quel que soit le niveau de la compétition, la filière énergétique anaérobie est quasi-exclusivement sollicitée. Le polo est un sport de puissance, qui nécessite un approvisionnement rapide et intense en énergie des cellules musculaires.
Il est possible cependant de repousser ce seuil anaérobie. C’est là tout l’intérêt de l’analyse car cela devient alors une question de préparation et de récupération. Comme pour l’athlète, la qualité de l'entraînement sportif va permettre au cheval de faire un effort musculaire plus important sans accumuler de lactates.
Pour optimiser ces 7mn30, l’échauffement et la récupération du cheval sont primordiales
C’est d’abord l’échauffement qu’il faut prendre en compte voire modifier. Avant le match il est utile d’effectuer un trot à faible vitesse pendant quelques minutes. Cela favorise l’activation des capacités aérobies des muscles et augmente le temps d’apparition des premiers signes de fatigue.
A l’inverse, l’étude de la décroissance de la lactatémie après l’effort montre une récupération très lente des chevaux de polo. L’accumulation de lactates lors d’une période de polo est très élevée (jusque 36,02 mmol/L).
Le rythme soutenu des matchs (en général un match tous les deux jours en août) et une récupération ne permettant pas une baisse efficace de la lactatémie et de la fréquence cardiaque après l’effort, sont à prendre en compte. Bien souvent le petisero fait quelques allers-retours avec le cheval juste avant la période de jeu et la même chose après pour la récupération.
Or la qualité de la récupération est primordiale pour maintenir les chevaux au niveau de compétition exigé, d’autant que la fréquence des matchs ne permet pas une reconstitution complète des stocks en glycogène musculaire qui nécessite au minimum 72 heures.
Ce que préconise Aurélie Targa, c’est de modifier le type de récupération effectué à la fin de la période de jeu en le remplaçant par une récupération active. Un apport en eau et en nourriture dès l’issue de la période et un trot rapide pendant 10 minutes.
L’idéal bien sûr serait la mise en place de deux marcheurs de quatre places sur les terrains de polo. Elle permettrait d’effectuer une récupération active des quatre chevaux d’une même période en même temps tout en réduisant le nombre de personnes nécessaires à une seule.
* Règle 4.l l. - Nombre de périodes. Lors d’un match de durée normale, un poney ne doit pas jouer pendant plus de deux périodes complètes non consécutives ou une durée équivalente ; un poney qui a joué pendant plus d’une demi‐période ne doit pas jouer de nouveau pendant au moins dix minutes. Un poney ne doit pas jouer pendant plus de trois périodes complètes ou une durée équivalente en un seul jour. En cas de prolongation, un poney qui a joué pendant deux périodes peut jouer pendant toute la durée de la période supplémentaire, à condition qu’il ait fait une pause d’au moins dix minutes. Un poney ne doit pas jouer pendant plus de trois périodes complètes ou une durée équivalente dans la journée ou dans plus de deux clubs différents.
** Etude des paramètres de l’effort chez le cheval de polo en situation réelle. Thèse pour le doctorat vétérinaire, Faculté de médecine de Créteil - 2010. L’étude a été réalisée sur les chevaux de Pablo Sirvent et Ignacio Toccalino.
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