1/3 - LE CYCLONE CUARTETERA
Vivons-nous vraiment une époque formidable ? Depuis la brebis Dolly (1996), la science a fait des progrès tels que le clonage est devenu une banalité. Presque dans la confidentialité, Adolfo Cambiaso a remporté son 13ème Open d’Argentine en ayant monté six clones de sa légendaire Cuartetera.
Texte & photos Pascal Renauldon
Depuis Dolly, et surtout depuis la jument haflinger Prometea, premier cheval cloné en 2003 en Italie, cette technique de production s’est développée à une allure ahurissante, notamment dans le polo argentin où on est pratiquement arrivé à un stade industriel.
Entre le laboratoire texan Crestview Genetics où Cambiaso fait fabriquer ses clones, et le laboratoire argentin Kheiron, produisant chacun une trentaine de clones par an, ce sont près de 500 clones de chevaux de polo qui ont été ainsi fabriqués depuis 2009. Les clones de la Cuartetera ayant gagné Palermo, datent de cette époque. Cambiaso en a joué six, poétiquement baptisées n°1 à 6 (!), tout au long de la saison, de septembre (Open du Jockey Club où la n°2 a été sacrée meilleure jument de la finale) à décembre (où il les a alignées toutes les six).
Âgées de 5 et 6 ans, les juments ont fait preuve d’une maturité exceptionnelle à cet âge : « Je suis très heureux de cette dixième victoire de mon club, mais aussi d’avoir pu jouer six clones dans une finale, assumait complètement le champion. On nous dénigre, mais je suis content de ce que nous avons réalisé avec Alan (Meeker, fondateur de Crestview Genetics) et Ernesto Gutierrez (l’homme d’affaires qui a aidé à financer le projet). Nous sommes vraiment entrés dans l’ère du clonage. »
Et c’est vrai que les choses semblent s’accélérer. Le prix de revient d’un clone baisse au rythme des avancées de la technique. Quand il en coûtait encore environ 250.000 € aux débuts du clonage vers 2006, ce prix serait ramené à 80.000 € actuellement en Argentine, si bien que de plus en plus de joueurs se laissent tenter.
Bartolomé Castagnola, ancien coéquipier de Cambiaso et ancien h10, a reçu pour Noël les cinq premiers clones de son cheval Toro, un hongre qui avait été sacré meilleur cheval de la finale de Palermo en 2008 et 2010. « Le but est d’abord de récupérer sa génétique puisque Toro était un hongre et que ses clones sont entiers » explique Daniel Sammartino, propriétaire de l’élevage Doña Sofia, partenaire de Castagnola sur cette affaire.
Un seul de ces cinq clones a été approuvé au stud-book : « Je veux surtout l’utiliser pour moi, assure Lolo Castagnola, pour produire des chevaux pour mes fils ». Deux rejetons, Barto (15 ans) et Jeta (13 ans), handicaps 4 et 2, que l’on présente déjà comme les futurs cracks du polo argentin. Comme quoi, mieux vaut reproduire et améliorer les lignées que cloner ! Et pourtant, le clonage a bien remporté sa première grande victoire à Palermo !
Une situation qui n’est pas forcément bien vécue par tout le monde. Gonzalo Pieres, le père des vaincus de Palermo, est vent debout contre cette pratique : « Ce n’est plus de l’élevage, c’est de la copie et les conséquences négatives sont sans limites ». Pieres parle de la catastrophe que cela pourrait devenir pour les petits éleveurs, pour la diversité génétique et même pour le droit de propriété des éleveurs, sans parler de la bioéthique : « La plupart des clones fabriqués aujourd’hui le sont à partir de la génétique d’Ellerstina (la sienne) ».
La Cuartetera, par exemple, a été vendue embryon à Cambiaso. Se pose effectivement, la question … du copyright. « Si un tableau est copié, puis vendu, le faussaire ira en prison. Avec le clonage, la question ne s’est même pas posée » … Et ce n’est pas la seule que le clonage peut poser !
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