top of page

BLOG

Tout savoir sur le polo

ADOLFO CAMBIASO, EXTRA-TERRESTRE ET HOMME DE TERRE

Palermo – Buenos Aires, 15 décembre 2018. Beaucoup y croyaient : La Dolfina allait peut-être enfin tomber face à ces « petits » nouveaux de Las Monjitas qui avaient éliminé l’éternel rival, Ellerstina, au terme d’une demi-finale apocalyptique de l’Open d’Argentine… C’était oublier un certain Adolfo Cambiaso, le meilleur joueur de l’histoire presque bicentenaire du polo !

Textes & Photos : Pasccal Renauldon

Source : Jours de Cheval


Mené 6-3, Adolfo Cambiaso s’est soudain agacé et a renversé le cours du jeu, poussant et menant les siens de la Dolfina vers un sixième titre consécutif avec un score sans appel : 17-12. Car à lui seul, cet Argentin de 43 ans, est toujours capable de faire basculer un match comme il le fait depuis 25 ans ; il a remporté tous les tournois significatifs de la planète : l’US Open (gagné 9 fois, à l’endroit, Wellington, qu’il préfère après l’Argentine), Sotogrande en Espagne, Deauville (l’une de ses premières sorties, à 19 ans où il devenait déjà handicap 10), les Queen’s Cup et Gold Cup anglaises, la Copa Cámara à Buenos Aires (l’antichambre de l’Open d’Argentine) et bien sûr les tournois de la mythique Triple Couronne (Tortugas, Hurlingham et Open d’Argentine) à trente reprises dont quinze titres dans l’épreuve la plus convoitée, la plus folle, la plus passionnée : l’Open d’Argentine à Palermo.


Cambiaso est un « dieu » en son pays, une star au même titre que certains chanteurs ou sportifs comme Diego Maradona, l’un de ses plus fervents supporters. Adolfito* sait entretenir son image. Pas forcément par calcul… mais un peu quand même. Surtout par son talent et la passion qu’il a pour son sport, son métier et pour les chevaux. Car il est avant tout un homme de cheval avant d’être le personnage glamour vers lequel l’ont immanquablement poussé son physique avantageux et le système du business nécessaire autour du polo. Ce n’est pas forcément l’aspect de son sport qui l’enchante le plus. Cambiaso n’est pas un mondain ni même un noceur. Il est plutôt sage, marié (à la belle Maria Vasquez, une top model, cela va de soi), père de deux fils et d’une fille (Mia, 15 ans, qui a également remporté quelques heures avant son père, son deuxième Open féminin) et préfère, après les matchs aller boire un maté avec ses petiseros dans les écuries (pour « refaire le match ») plutôt que d’aller trinquer le champagne dans les tentes VIP ! D’ailleurs il ne boit pas et ne fume pas.



Même s’il a du mal à s’en échapper, il fuit les médias pour, une fois ses matchs joués à Palermo, aller se réfugier à Canuelas, à une heure de Buenos Aires, dans son club de La Dolfina qu’il a monté sur les terres de son enfance dès ses premiers gains que son talent incroyable lui a permis d’engranger dès la fin de son adolescence. Des terres qui sont devenus plus qu’un simple club de polo : un immense espace immobilier de 470 hectares, un real estate, avec un hôtel boutique et spa, 27 villas de luxe et 28 appartements dispersées autour de la vingtaine de terrains de polos lui permettant d’accueillir notamment ses « patrons » qui le financent tout au long de l’année le payant, à eux tous, environ cinq millions de dollar lors des saisons américaine et européenne.


L’homme n’aime pas parler de lui mais devient disert quand la conversation se tourne vers les chevaux : « L’élevage est ce que j’aime avant tout. J’ai un tas de poulinières et une quinzaine d’étalons. Ce sont tous des chevaux qui ont été particulièrement performants en match. J’adore ça. » Il ne se confiera pas, ne parlera pas de lui mais dévoilera volontiers ses secrets pour choisir un cheval : « S’il me plait au premier regard, il faut absolument que je monte dessus pour l’essayer et la première chose que je teste, c’est la bouche : une bonne bouche, c’est incontournable pour moi. » Ses journées n’ont rien de la vision glamour que renvoie les magazines : « Se lever et jouer un practice le matin, déjeuner et jouer un practice l’après-midi. Si c’est jour de tournoi, vérifier chevaux et matériel, que tout est bien préparé et organisé pour le match. S’il n’y a pas de match, monter les jeunes chevaux. »



Un homme de cheval avant tout vous a-t-on dit ! Sa volonté de produire les meilleurs chevaux possibles a désormais dévié sur le clonage en collaboration avec un laboratoire américain, Crestview Genetic. A 80.000 euros pièce, il a simplement fait cloner plusieurs exemplaires de ses sept meilleurs chevaux : Colibri, son tout premier crack, Aiken Cura, l’étalon disparu il y a douze ans après une fracture en finale de l’Open d’Argentine, Cuartetera (plusieurs fois meilleure jument de la finale de l’Open, « La meilleure jument de polo de tous les temps », martèle-t-il), Small Person, Raptor, Lapa et La Nona, tous des chevaux qui ont joué à un niveau de 40 goals. De tous ces clones, seuls ceux de La Cuartera et de Lapa, les premiers étant nés en 2010, semblent avoir véritablement percé au haut niveau. Ils inondent les trois équipes de La Dolfina, la sienne, celle de sa fille, La Dolfina Brava, et l’équipe 2 qu’il a créée en 2017, La Dolfina Polo Ranch. Lors de la finale, son équipe était remontée avec dix de ces clones et, au cours d’une même période, lui et deux de ses joueurs en montaient trois en même temps. Et l’exemplaire n°9 de la fameuse Cuartera a été élue meilleure jument de la finale 2019. Ce qui semble manquer un peu de poésie, mais cela ne perturbe pas ce champion d’exception : « Les gens peuvent être pour ou contre le clonage, je m’en fiche un peu du moment que je gagne l’Open d’Argentine ».


*Adolfito : Diminutif de son prénom, le même que son père, Adolfo, parfaitement francophone. C’est chez son père qui tenait un petit club de polo à Canuelas qu’Adolfo junior a commencé à tenir le maillet à l’âge de 10 ans.



Ce que ses adversaires en disent…

Mariano Aguerre, ex-handicap 10, son ancien coéquipier de La Dolfina et aujourd’hui adversaire : « On peut tout raconter sur ce type, ce ne sera jamais assez. C’est l’un des deux ou trois meilleurs joueurs de tous les temps. C’est un joueur incroyable et tous ceux qui jouent ou ont joué avec ou contre lui ont eu énormément de chance. Sur le terrain, c’est un gentleman. Déjà, jouer contre lui est quelque chose de fantastique d’autant que si on le bat, on bat le meilleur joueur du monde, du moins celui de mon ère. Avec Gonzalo Pieres (père) et Juan-Carlos Hariott, il fait partie des trois grands joueurs de l’histoire du polo. »


Facundo Pieres, handicap 10, son adversaire historique d’Ellerstina (8 finales dont 3 victoires contre lui dans l’Open d’Argentine) : « C’est vrai que l’on souffre un peu du fait d’être contemporain de ce joueur-là qui devrait être 11 ou 12 de handicap par rapport à nous. Mais jouer contre lui – ou parfois avec lui – décuple notre motivation, il tire le polo vers le haut ».


Brieuc Rigaux, handicap 6, meilleur joueur français, qui a eu l’occasion de jouer avec lui à Palm Beach : « Ce qui m’impressionne chez lui est sa capacité à monter les meilleures équipes possibles et de tirer le meilleur de ses coéquipiers, il ne laisse rien au hasard, il fait toujours en sorte que les joueurs de son équipe soient dans les meilleures conditions, par exemple en les fournissant en chevaux s’il le faut. Et surtout, il connaît TOUS les chevaux de haut niveau qui sont sur le circuit, sans exception. L’exemple des clones reflète bien sa personnalité, cette propension à toujours vouloir progresser et à innover. C est un précurseur et un moteur pour le polo mondial. Il oblige ses adversaires à toujours mieux s’organiser pour pouvoir rivaliser avec lui ».



Jours de Cheval, magazine trimestriel qui s'adresse aux amoureux des chevaux, le seul magazine français à traiter de polo.

0 commentaire

Comments


bottom of page