« Les petits pieds rapides » des chevaux de polo, Roger Laville les connait bien. Il exerce son métier de maréchal-ferrant depuis 1993. Il a commencé avec les chevaux de selle puis est passé aux chevaux de courses. Les chevaux de polo, c’est venu après. La ressemblance est grande entre les courses et le polo. On cherche avant tout la rapidité avec des ferrures légères. Mais pas n’importe lesquelles. « On ne met pas les mêmes pneus sur une formule 1 et sur une deudeuche ! La ferrure, ça devient de plus en plus technique ».
Par Axelle De Borger
Photos Antoine Delaporte
Roger Laville est « né dans les chevaux ». Son père était maquignon. Il faisait toutes les grandes foires d’Europe. En camion, il chargeait les chevaux en Espagne et les remontait en Belgique ou en Angleterre. « J’ai été bercé par çà. Gamin, question études, je n’étais pas si mauvais mais j’étais attiré par les chevaux. Et ce qui paie dans les chevaux, c’est soit vétérinaire, soit maréchal-ferrant. Voilà j’ai choisi la facilité ! » dit-il en plaisantant car Roger Laville sait la dureté de son métier.
Et les études de toute façon, on n’y échappe pas. Trois années de formation chez un patron, comme apprenti pour obtenir un CAP. Ensuite deux années de perfectionnement pour obtenir un BM (brevet de maîtrise).
La formation reste la même qu’il y a vingt ans sauf que maintenant les jeunes travaillent avec des fers mécaniques, ils ne travaillent plus la barre de fer. Une partie de l’enseignement reste toujours orientée vers la forge et l’orthopédie mais ce ne sont plus les points forts du diplôme.
« Avant, celui qui loupait sa forge était sûr de ne pas avoir son CAP. Aujourd’hui un élève qui a une note moyenne en forge peut s’en sortir. C’est dommage parce que la forge c’est essentiel. Celui qui sait bien forger, ajuste bien ses fers ». Et de déplorer un manque de pratique chez les jeunes recrues. « Trois ans pour un jeune c’est vraiment trop juste pour bien savoir faire des ferrures. Le vétérinaire fait un croquis, une ferrure orthopédique mal exécutée et c’est pire que tout ».
La forge, Roger Laville en fait encore. « Je fais beaucoup d’orthopédie, pathologie du cheval, problème de phalanges, d’articulations. On change les ferrures et les aplombs des chevaux par rapport à leur pathologie ».
C’est cet aspect du métier qui plait le plus à Roger Laville. Voir un cheval avec une pathologie se remettre au fur et à mesure et pouvoir reprendre la compétition. « Enchainer dix chevaux par jour avec des fers tout simples, on le fait, on est obligé, mais le côté sympa c’est un cheval dont on peut réparer le pied, un sabot fendu en deux et au bout de six mois lui redonner un pied tout neuf. Ça c’est gratifiant ».
Ce qui le chagrine un peu parfois c’est le manque de reconnaissance pour son métier parce qu’on dit bien « pas de pied, pas de cheval » mais il n’en fait pas une généralité. Roger Laville a de la chance, il a une clientèle avertie et fidèle.
Et puis le milieu du polo, ce n’est pas celui des courses. Le polo reste un sport de plaisir. Les courses, ce sont de gros enjeux. C’est une pression que l’on ressent quand on travaille. Le cheval doit être bien dans ses pieds, pour gagner.
Roger Laville aime les relations qu’il a développées avec les joueurs de polo. « Je m’occupe des pieds, je ne suis pas sur le cheval. Le joueur qui voit son cheval un peu raide d’un côté ou d’un autre, quand il redescend, on en discute et on va essayer d’améliorer son confort ».
Certaines équipes se sont solidement attaché ses compétences. Personne d’autre que lui ne peut toucher leurs chevaux. Si la cavalerie se déplace à Saint-Tropez et que l’équipe a besoin de lui, il la suit à Saint-Tropez. Ce mois-ci quelques-uns de ses clients sont à Deauville, alors il est certain que pendant la saison il ira au moins deux fois par semaine à Deauville.
La maréchalerie a énormément évolué ces dix dernières années. Les fers ne sont plus en fer. Ils sont en l’aluminium, en plastique, en résine. On travaille beaucoup aussi avec les fers collés. « Les chevaux ont parfois de mauvaises réactions quand on cloue les fers. On obtient à présent des résines très résistantes et collantes qui donnent justement cette légèreté au pied, sans provoquer de traumatisme ».
En Argentine ils ont une façon de faire différente. Certains clients veulent des ferrures typiquement européennes, d’autres préfèrent rester sur le modèle argentin. « Je ne ferre pas avec des pinçons sur les antérieurs, contrairement aux argentins. Ils disent que les fers reculent moins lorsqu’ils mettent des pinçons. Chez André Favre par exemple, je ne mets pas de pinçons. J’ai d’autres clients du même niveau de jeu qui préfèrent le système argentin avec un fer couvert et un peu de longueur ».
Le métier de maréchal-ferrant est une activité rude et physique, mais là n’est pas le plus dur pour Roger Laville. « Le plus difficile c’est de satisfaire tout le monde. La saison est courte, nous avons une grosse concentration de chevaux qui jouent tous en même temps. La pression de deux ou trois clients, cela vaut bien le travail de dix chevaux par jour ! » Roger Laville garde néanmoins le sourire. Il en a vue d’autres !
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