Le métier de technicien dentaire équin a enfin une reconnaissance légale. Pas depuis longtemps. Une simple mention depuis juillet 2011 dans l'article L243 du Code rural. La profession manque toujours d’une véritable identité et d’une formation officielle. Mais c’est en train de changer.
Par Axelle De Borger
Photos Antoine Delaporte
Laurent Gourrier est dentiste équin depuis une vingtaine d’années. Il n’a pas attendu d’avoir un statut officiel. Cavalier à l’origine, il a quitté un moment le métier puis il est revenu, persuadé qu’il y avait une vraie demande pour une dentisterie de qualité, pas très abondante en France. « Il y a 20 ans n’importe qui pouvait s’installer comme dentiste équin. J’ai été formé par un vétérinaire qui avait une formation française et américaine. Il m’a fait bénéficier de sa formation en dentisterie. A l’époque il n’y avait pas de formation spécialisée pour devenir dentiste équin ».
Aujourd’hui, il existe quelques formations mais pas de diplôme officiellement reconnu, contrairement à ce qui existe en Belgique ou en Angleterre. En France les formations sont privées. Elles permettent néanmoins d’acquérir les compétences nécessaires. « Après, c’est la volonté de l’intervenant d’aller au fond des choses, qui fait la différence » souligne Laurent Gourrier.
Equipé d’un « pas d'âne », pour maintenir la bouche du cheval ouverte, de fraises diamantées rotatives, de râpes à main et autres forceps, le dentiste intervient dans toute la sphère buccale.
« On pratique avant tout l’abrasion des surdents. Le mouvement masticatoire n'est pas toujours suffisant pour user uniformément la table dentaire, ce qui a des incidences sur l’alimentation du cheval. On travaille aussi sur les premières prémolaires pour donner du confort au travail en fonction de l’activité du cheval ».
Dans la bouche d’un cheval de polo, on va allonger la taille du siège de mors. On tient compte de l’action de main et des embouchures utilisées. Le polo est un sport qui se joue vite et fort. Il faut éviter un frottement trop important des muqueuses sur les prémolaires pour ne pas provoquer de phénomènes inflammatoires ou de plaies.
« Les spécificités liées au polo sont à présent enseignées dans certaines écoles de dentisterie. Elles sont aussi évoquées dans certains séminaires d’information. A chacun de se tenir au courant de ce qui se pratique. Et puis on discute avec les vétérinaires, avec les petiseros, avec les joueurs » indique Laurent Gourrier.
Le dentiste équin intervient tout au long de la carrière du cheval. La première intervention en début de carrière est importante car il s’agit de dessiner la bouche et d’effectuer une mise en place. Ensuite l’entretien est annuel en fonction de la repousse permanente et de l’usure des dents du cheval, voire semestriel pour les très jeunes chevaux.
Hormis les opérations courantes d’abrasion des surdents et d’allongement des sièges de mors, les dentistes équins pratiquent également des opérations moins fréquentes comme les extractions de dents de loup ou de dents de cochon qui sont les dents de loup inférieures.
« Il s’agit d’une petite prémolaire vestigiale, très gênante pour un cheval au travail car elle se trouve à l’emplacement du mors. Pour une poulinière qui n’a plus d’activité sportive, cela ne présente pas d’intérêt de la retirer » précise Laurent Gourrier.
Bien entretenir la dentition de son cheval présente de nombreux avantages : une diminution du risque des coliques, surtout pour les chevaux qui sont sur paille. « Plus on améliore la mastication, moins on a de risque de bouchon ». Egalement un meilleur profit alimentaire dans l’absorption des céréales et des granulés et un agrément à la monte car le cheval est moins sur la défensive.
Et d'expliquer « un cheval qui a des surdents va garder beaucoup d’aliments dans la bouche. Ces aliments vont se décomposer partiellement dans la bouche, ce qui va augmenter l’acidité de la salive, laquelle va détruire la phase microbienne et enzymatique de la digestion ».
Laurent Gourrier travaille toute l’année. Il a de la chance, les saisons de polo et de concours s’articulent plutôt bien sans se superposer et entre les deux saisons, il s’occupe des poulinières.
Pour l’avenir de la dentisterie équine, il est confiant. Les choses évoluent. En 2014 ont été mises en place les premières VAE (Validations des Acquis de l’Expérience), sous la tutelle de l’Etat.
Plus récemment un décret et un arrêté du ministère de l’Agriculture, du 12 octobre 2016, précisent les connaissances, les savoir-faire et les compétences requises pour exercer la profession de technicien dentaire équin. Ces dispositions font l’objet d’un nouvel article (D.243-5) inséré dans le Code rural. En outre, le nouvel arrêté reconnaît la Fédération française des techniciens dentaires équins (FFTDE) comme l’organisme habilité à certifier de ces compétences et à délivrer le titre professionnel qui, à côté du diplôme de docteur vétérinaire, autorise l’exercice de cette activité.
Légalement, ne pourront exercer que ceux qui auront acquis ces certifications. Ce qui distinguera enfin les bons dentistes équins.
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