Au début du XXème siècle, les règles du polo n’étaient guère compliquées : deux troupes à cheval opposées l’une à l’autre, armées d’une longue cross, galopant au milieu d’une plaine, s’efforçaient d’amener la balle dans le camp adverse. A partir de 1906, le polo connait de profondes transformations dans le jeu lui-même, dans son esprit et dans ses règles.
Texte de Jean-Luc Chartier
Extrait de "Polo de France"
et "Cent ans de polo en France"
Jusque-là, on jouait surtout en France comme l’on aurait été au cercle ; le polo était un passe-temps de très bonne société qui rassemblait des gens élégants et titrés. Ses règles en faisaient plus un jeu qu'un sport ; la taille des poneys était limitée à 1,50 m et la règle du « hors-jeu » était appliquée, c'est-à-dire qu'un joueur ne pouvait se démarquer en profondeur pour une passe, ce qui rendait le jeu très lent.
D'autre part, les handicaps n’existaient pas. On avait seulement imaginé une « black list », limitée à 40 noms, sur laquelle figuraient les meilleurs joueurs du monde, et on cherchait à égaliser dans les teams qui se rencontraient, le nombre de joueurs inscrits sur cette liste noire. Un seul Français eut le sportif honneur d’y avoir son nom : Maurice Raoul-Duval... (voir photo ci-dessous ; on remarquera le poney courte-queue de petite taille, le maillet à tête carrée en forme de sabot, la chemise blance à col...et la cravate !)
A partir de l'année 1906, la règle du « hors-jeu » fut supprimée ainsi que la limitation de la taille des poneys dont l'équilibre et la maniabilité déterminèrent seuls l'emploi.
Les handicaps furent créés, classant tous les joueurs de 0 à 10, permettant ainsi d'égaliser, autant que faire se peut, les chances des équipes en présence. Le port du casque fut rendu obligatoire.
Progressivement le polo entra dans son ère athlétique.
Il s’en suivit une sensible modification dans la personnalité des joueurs.
Aux élégants amateurs du début se joignirent de quasi-professionnels, sans fortune, mais bons cavaliers et bons joueurs, que remontaient de riches propriétaires dont les équipes ne devaient leur valeur qu’à ces nouveaux venus passionnés.
L'évolution fut de plus en plus nette avec la venue de grandes équipes américaines et celle des internationaux argentins, invités par les Espagnols. Le jeu élégant était devenu un sport violent.
1914. Le déclenchement de Première Guerre Mondiale met momentanément fin à l’essor du polo. En 1921, les clubs de France s'organisent et s'unissent. Le polo venait alors de reprendre son ascension, après la longue interruption due aux terribles années de la Grande Guerre.
Le jeudi 15 décembre l921, Messieurs les délégués à ce que l'on appelait alors la « Fédération des Polos de France » se réunirent en assemblée générale au Jockey Club, dans le but de constituer l'association, conformément à la loi de 1901.
L'assemblée procéda dans un premier temps à la composition de son bureau. Autour du duc Decazes, président et fondateur, on nomma le duc de Guiche vice-président, et le comte Jean Pastré, secrétaire. Le bureau étant ainsi composé, le président constata, d'après la feuille de présence et les lettres des clubs affiliés, qu’étaient représentés le Polo de Paris par le duc Decazes et le comte Pastré, le Polo de Deauville par le duc de Guiche et le baron Robert de Rothschild, le Saint-Cloud Country Club par Henry Cachard et le comte de Polignac, le Polo de Cannes par le baron de Saint-Marc et le prince Radziwill, et le Polo de Lyon par Monsieur Michel Derbys.
Elément remarquable, le polo avait déjà, il y a près de cent ans, une constitution légale, et il y avait, en plus des polos de Paris et de Deauville, celui de Saint-Cloud, où se déroulèrent les épreuves de polo des Jeux Olympiques de 1924, celui de Cannes, qui malheureusement n'existe plus, et on jouait déjà au polo à Lyon.
Cette Fédération des Polos de France a perduré jusqu'au 1976, date à laquelle elle s'est transformée en Union des Polos de France. Ainsi, dès l'origine du polo en France, considérait-on qu'il s'agissait d'un sport à part entière.
L'année 1922 voit s'accroître les efforts de la Fédération pour promouvoir le polo, non seulement sur le plan civil, mais aussi dans son aspect militaire, fort important à cette époque où existent encore de nombreux régiments à cheval et où, au lendemain de la guerre, une circulaire ministérielle ordonne aux chefs de corps de mettre tous les officiers au « jeu de la balle à cheval ».
Ainsi, la Fédération décide-t-elle de seconder l'effort des associations régimentaires en leur procurant du matériel de jeu à des conditions avantageuses. De même elle se charge de programmer les différentes phases du championnat inter-régimentaire pour l’année 1923. En ce qui concerne le polo civil, la Fédération met sur pieds la préparation de l’équipe française pour les Olympiades de 1924 et débute la constitution d’un fonds de réserve pour l’encouragement de l’élevage du cheval de polo en France.
L’année 1923 sera pour la Fédération celle de la réglementation, avec l’établissement d’un nouveau code de règles du polo, et l’organisation du système de handicaps.
Naturellement, le développement de la balle à cheval au niveau international a amené les instances du polo à établir un code universel des règles. Cette série de réformes, visant principalement à la définition des règles du jeu et à la mise en place des pénalités, est principalement prise en main par l'Association Américaine de Polo et la Hurlingham Polo Association.
Les commentaires français de l'époque marquent une nette demande pour un code international des pénalités beaucoup plus sévère envers les responsables d'une action dangereuse qu'il ne l'était par le passé, et pour une autorité accrue conférée à l'arbitre.
Il s'agit en fait pour chaque pays d'entériner une application pratique du système américain visant à infliger une véritable amende au camp fautif en lui faisant purement et simplement perdre un but.
En ce qui concerne les matchs, le nouveau code précise que leur durée sera d'un maximum de sept périodes de huit minutes chacune, avec un repos de trois minutes entre chacune d'elles.
Dès le début des années 1920, le jeu gagne en mobilité, en vitesse et en tactique.
Comme le fait remarquer le comte Jean Pastré, secrétaire de l'Union des Polos de France : « Le polo n'est pas un jeu d'amateurs, un passe-temps mondain et, par conséquent, futile. Mais il doit être un sport violent, parfois brutal, toujours rapide et scientifique. »
Les coups de maillet sont plus sûrs, les poneys mieux dressés. Le polo français passe à la vitesse supérieure à la poursuite des joueurs anglais, techniquement plus au point que leurs homologues tricolores.
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